Ca fait des semaines, pour ne pas dire des mois, que ce titre danse dans ma tête.

Avec la certitude que si je revenais écrire ici, que ce soit un peu, beaucoup, ou passionnément, ce serait avec celui-là.

Il lui fallait le temps de grandir à l'intérieur, de murir, de se débarrasser du parasitage.

Pas de rancoeur, pas de jugement, pas de colère.

Il fallait le temps que mon message soit clair à mon esprit pour le livrer ici.

 

Depuis plus d'1 an et demi que j'ai fait le choix - tout aussi déchirant que salvateur - de ne plus vivre avec le père de ma fille, j'ai été une amie souvent tantôt maladroite, tantôt absente.

Je ne m'en veux pas.

Je ne m'en excuse pas.

Je n'aime évidemment pas l'idée d'avoir blessé ou déçu certains de ceux que j'aime, mais cela ne pouvait pas être autrement.

 

Parce que je devais survivre.

Peut-être que je donne de moi une image tellement forte, en particulier via les réseaux sociaux, que certains ont pu croire que je traversais cela comme une fleur.

En douceur.

Facilement.

Voire avec un certain brio...

 

 

Je suis un être humain.

Une femme.

Je n'ai pas vu ma famille voler en éclat sans ciller, sans souffrir, sans douter.

J'ai cru crever de chagrin.

Mille fois.

J'ai eu envie de ne pas me réveiller le lendemain.

Souvent.

 

J'ai imaginé que ma vie était finie, que c'était un échec honteux et insurmontable, que je causais du chagrin à ma fille.

J'ai eu peur de me tromper, j'ai pensé qu'aucun homme ne m'aimerait plus jamais.

Trop vieille, trop mère, trop de lose.

J'ai dû apprendre à m'organiser pour tout gérer seule.

J'ai appris à vivre avec la boule au ventre permanente des fins de mois difficiles.

J'ai trouvé des solutions pour payer seule le loyer d'un 3 pièces parisien.


Je ne me plains de rien.

Je suis celle qui a choisi le père de ma fille, comme je suis celle qui a choisi de ne plus vivre avec.

Pour des raisons qui m'appartiennent.

Je ne dirais JAMAIS de mal du père de ma fille sur les réseaux sociaux.

ll est de ma famille, pour toujours, et reste celui qui m'a fait devenir la mère (bordel) d'une petite fille incroyable.

Au coeur de cette première année de tumulte, intérieur et extérieur, de cette lutte pour la survie d'une intensité que l'on ne peut sans doute concevoir que lorsqu'on l'a vécue suite à un deuil, une séparation, une faillite, certains ont choisi de sortir de ma vie.

 

Parce que j'ai eu une parole malheureuse.

Parce que j'ai trop paniqué devant les enfants d'une autre quand ma fille est tombée sur la tête d'un lit superposé et s'est mise à saigner du nez.

Parce que j'ai été maladroite.

Parce que j'ai souhaité un anniversaire à 22h.

Parce que j'ai été (trop) franche.

 

C'est ainsi, sans doute, la valse des proches qui bougent, qui changent, quand on change soi-même.

Si certains sont sortis de ma vie, d'autres y sont entrés, et ceux qui sont restés sont devenus encore plus proches de moi.


Malgré mon énergie vitale entièrement centrée sur ma fille et moi.

 

J'ai dit envoyer des mails que je n'ai jamais envoyés.

J'ai dit venir à des anniversaires où je ne suis jamais allée, parfois sans même prévenir.

Je n'ai plus donné de mes nouvelles à beaucoup.

Je n'ai plus écrit ici, pour éviter de recevoir des commentaires qui m'auraient trop touchée dans cette période où un souffle me faisait tanguer, et parce que je n'avais pas envie d'être drôle, et me croyais obligée de l'être.

J'ai oublié des dates importantes.

J'ai laissé passer des opportunités.

J'ai mis des jours à répondre à des sms, parfois je n'y ai jamais répondu.

J'ai préféré passer du temps avec des amants plutôt qu'avec des amis.

Je suis retournée me rouler en boule dans mon lit, certains jours, après avoir déposé ma fille à l'école.

 

Mais j'ai signé le bail pour CoworkCrèche, qui ouvrira en mai.

J'ai écrit deux nouveaux livres.

J'ai payé mon loyer chaque mois, parfois un peu en retard, pour la première fois de ma vie.

J'ai vu ma fille grandir, s'épanouir, rire.

Aller BIEN.

J'ai réappris à rire, encore plus fort.

Je suis devenue moi.

 

J'ai construit une belle complicité parentale avec son père, et nous nous disons souvent qu'à défaut d'avoir réussi notre couple, nous avons réussi notre séparation, et c'est une grande fierté, car c'est simple et fluide pour notre fille qui nous voit unis pour elle.

 

Et résister à l'envie de s'entretuer, dans les premiers temps, ça mobilise une sacrée énergie.

 

Je me dis que si ces gens sont sortis de ma vie, qu'ils se sentent blessés à tort ou à raison - ce n'est vraiment pas le propos - c'est peut-être aussi parce que d'autres choses leur donnait envie de quitter ma route, et si j'ai parfois un brin de nostalgie à l'idée de tout ce que nous ne ferons pas ensemble,  je me dis qu'il n'y a pas de hasard et que c'est ainsi que cela doit être, et que ne plus les voir ne m'interdit pas de les aimer toujours.

Car je ne sais pas cesser d'aimer.

 

Et je veux les remercier de m'avoir fait grandir.

Parce qu'aujourd'hui il est absolument rarissime que j'en veuille à qui que ce soit.

Quand c'est le cas, je travaille à vite pardonner, à comprendre, à me demander pourquoi cela me touche tant, qu'est-ce qui fait que cela fait écho en moi.

J'aime encore plus ceux qui me pardonnent mes sorties de route.

J'espère qu'ils continueront, car il y en aura d'autres.

J'aime ceux qui m'entourent pour ce qu'ils sont, sans jamais rien exiger d'eux.

Je suis heureuse d'accueillir ce qu'ils ont à m'offrir, et je n'attends rien de plus.

Je considère que je suis la seule à pouvoir faire mon bonheur, et je m'y applique chaque jour.

D'ailleurs, je commence à être vraiment douée pour ça ;-)

J'aime encore plus facilement ceux qui entrent aujourd'hui dans ma vie, car plus que jamais, ils me voient telle que je suis, j'ai posé les masques et l'armure.

 

J'ai réussi non seulement à survivre, mais à me (re)trouver, à être heureuse, épanouie.

Et j'ai d'ailleurs découvert que le bonheur fait fuir certains amis plus vite encore que le chagrin... ;-)

 

Ce que je voulais dire, ici, aujourd'hui, c'est que tout ira bien.

Si vous traversez une crise, vous trouverez l'issue, même si pour l'instant toutes les portes semblent verrouillées à triple tour, et qu'il semble doux d'imaginer qu'on ne se réveillera pas le lendemain pour s'y cogner encore.

 

Si vous êtes proche de quelqu'un qui traverse une crise, vous n'êtes pas obligé de l'aider, si vous ne vous en sentez pas la force.


Vous en avez le droit.

Dites-le lui, simplement.

Il faut dire.

Il faut tout dire.

 

J'ai appris à dire clairement ce dont j'ai besoin, ce que j'attends, ce qui m'a déçue, avec simplicité et bienveillance.

Quand quelqu'un ne m'a pas appelée depuis des semaines, je l'appelle.

Je ne rumine pas dans mon coin en l'accusant de ne pas me donner de news.

Quand j'ai envie de passer du temps avec quelqu'un, je le lui dis.

Quand j'aimerais le faire mais que je ne peux pas, je le lui dis.

 

Il faut tout dire.

 

On ne peut pas toujours être là pour les autres, c'est un conte de fée qui nous induit autant en erreur quant à l'amitié que le prince charmant nous trompe quant à l'amour.

 

En amour comme en amitié, l'exigence de perfection est le chemin le plus court vers la solitude et la déshydratation cardiaque aigue.

 

Ainsi, peut-être que si quelque chose vous chiffonne, vous pouvez attendre un peu avant de tirer un trait sur l'autre, ne serait-ce que pour votre propre bien.

 

Peut-être que vous pouvez vous demander si tout ce qu'il a de beau ne vaut pas de supporter un peu ce que vous aimez moins chez lui.

 

Transitoirement.

Le temps que le chagrin passe.

Peut-être que vous pouvez vous contenter de vous tenir à distance, sans être fâché(e).

 

J'aurais aimé avoir cette force et cette maturité pour Valérie, il y a bientôt 20 ans.

Qui a choisi qu'un jour ses yeux resteraient clos, pendant qu'on se "faisait la gueule" pour une raison dont j'ai peine à me souvenir aujourd'hui, alors que l'image de toute notre promotion de l'école d'infirmière en larmes lui disant adieu à l'enterrement reste gravée dans ma mémoire.

Pour elle, et pour toutes celles et ceux qui vivent ces tempêtes, maintenant que la mienne est apaisée et avant la prochaine, j'ai envie d'apprendre à continuer d'aimer les gens qui morflent, qui ne sont pas de bonne compagnie, qui disent des choses qu'on ne veut pas entendre, qui ne sont pas là quand on les attend, qui n'appellent pas.

 

Pour les aider à garder les yeux ouverts jusqu'au jour où il fera beau à nouveau.

Car ce jour-là arrive toujours si on choisi de le laisser arriver.

 

 

 

 

Je dédie ces quelques lignes à Simon, 33 ans, dont la disparition brutale la semaine dernière est venue rappeler cruellement à mon entourage et à moi-même à quel point la vie est trop courte et fragile pour cesser de nous aimer avant que nos coeurs ne cessent de battre.

Ton sourire est avec moi.

Compte sur moi pour prendre soin d'eux.

 

 

 

Retour à l'accueil