De l'ange absolu.

Elle m’a dit « Je veux venir voir Mamé. »

On a réfléchit, on a pesé le pour et le contre, on s’est organisés.

Elle est venue.

Elle m’a dit « Tu habites à l’hôpital maintenant, maman ? ».

C’est un peu chez moi, l’hôpital, elle a raison.

Ce chez toi que tu reconnais et où tu te sens à l’aise mais que tu n’aimes plus vraiment, avec ses murs et son sol dégueulasses, ses interrupteurs cassés autant qu’une partie des gueules que tu croises dans les couloirs, ses odeurs d’un agrément discutable, la variété des gens qui y travaillent, de l’ange absolu à Lucifer.

C’est un peu chez moi, l’hôpital, même si je l’ai quitté après des années de bons et loyaux services.

Je sais comment ça marche, je comprends quand ça prend du temps, je me retiens de ne pas répondre aux sonnettes des autres patients, je sais quelles alarmes je peux couper, ce que je peux demander, ce que je peux obtenir que d’autres n’auraient peut-être pas obtenu - ça, ça vient peut-être plutôt du côté princesse que décrivent certains de mes ex en colère, mais merde, après tout je descends quand même d’une famille royale du 15ème siècle, à un moment, faut pas déconner, il faut bien que je fasse valoir mon héritage.

Elle m’a dit « Je voudrais qu’elle se réveille Mamé, pour lui faire des bisous et des câlins et qu’elle soit plus malade, et pour qu’elle arrête de me voler ma maman. »

Elle est venue l’embrasser, hier, et je ne sais pas si c’était un baiser de la belle au bois dormant qui réveillera sa Mamé ou un baiser d’adieu.

Elle m’a dit « Tu sais maman, Mamé, elle veut se réveiller, mais elle y arrive pas ».

Et mon coeur s'est décroché.

Non, ma chérie d’amour, Mamé n’y arrive pas encore.

Et moi je reste près d’elle jour et nuit, à alterner entre un espoir fou et un désarroi qui me déchire le cœur et le corps en deux, à dire « Ma maman » tout haut aussi souvent que je le peux, à lui chanter les chansons que je chante à tout le monde comme je n’ai jamais chanté pour personne, à lui lire des livres, à la sentir, sentir son souffle, à me serrer contre elle, l’embrasser, la serrer contre moi, la masser, la coiffer.

La regarder.

Ma Maman.

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