Vivement Noël !

"Comment tu te sens ?"
On me demande souvent.
Je réponds "Je ne sais pas".
Parce que je n'en sais rien, pour de vrai, peut-être pour la première fois de ma vie.
Je ne suis plus la même, et je ne connais pas encore vraiment celle que je suis devenue.
J'ai survécu à un séisme d'une violence inouïe, et je m'attends encore à être emportée par le tsunami qui en découlerait.
Je suis debout et j'avance comme je ne m'en serais pas crue capable en pareilles circonstances, et j'ai un trou béant dans le ventre.
Je m'habitue doucement à l'idée de ne plus serrer ma mère contre mon coeur, et je crois encore que ce n'est qu'un - très - mauvais rêve. 
Qui s'évaporera bientôt.
Je me sens bien, et puis soudain je suis agacée, ou déçue, ou attristée, et je bascule, je me sens terriblement mal.
J'ai des projets, de l'espoir, et des joies, et j'ai l'impression que je vais bientôt mourir d'épuisement.
Je ne réponds pas au téléphone, et j'ai envie de parler.
Je flotte en permanence dans une autre dimension, entre deux eaux.
Je sens qu'il commence à y avoir prescription, les délicatesses se font moins rapprochées, les mails triviaux reviennent, certains pensent qu'on a franchi le délai où il serait indécent de faire passer leurs intérêts avant mon deuil.
Et peut-être que c'est bien, finalement.
Peut-être que c'est cette forme de vulgarité, cette forme de trivialité qui nous fait aussi revenir à la vie.
Qui nous empêche de flotter pour toujours entre deux mondes et d'avoir le coeur qui penche parfois trop du coté des morts.
J'essaye d'accepter de travailler tout en étant comme absente de moi-même.
J'essaye d'accepter qu'il me faut du temps pour me réhabiter.
J'essaye de ne pas m'en vouloir de mettre une assiette à la poubelle.
À des moments, je me sens tellement chanceuse et privilégiée, de grandir autant.
Et, à d'autres, quand j'entends des plaintes que je trouve futiles, je me dis que merde, quand même, mère célibataire, entrepreneuse, fauchée et en deuil, ça fait quand même beaucoup pour la même meuf. 
Et puis je me souviens que, comme me le dit souvent une personne que j'aime infiniment : 
"Plus c'est difficile, plus le cadeau de la vie est énorme, après".
Alors vivement Noël !

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