Je n'ai parlé à personne, ce matin.

Je n'y suis pas allée en mode "Muriel la cool", qui sourit à tout va et ramasse la bouteille de shampooing de la voisine pour la lui rendre.

Focus.

En moi.

Comme je n'en suis pas au stade où on me harcèle en maillot de bain - après 15 jours de reprise de sport, c'est un peu tôt - cela n'a pas été compliqué de rester en moi-même.

Concentrée.

Quelques longueurs, vite, à la force de mes nouvelles palmes. Roses.

Pas d'iPhone.

Personne.

Ma fille chez ses grands-parents pour la journée.

Seule.

J'ai nagé, puis fait une pause, face au mur.

J'ai attendu longtemps, avant de repartir un peu.

J'ai essayé de me souvenir comment on nage un beau crawl, comment on synchronise sa respiration, mais je n'ai pas retrouvé mes gestes.

Alors je me suis mise sur le dos, tête dans l'eau, oreilles soudain à l'abri du bruit du monde.

Et puis j'ai su que c'était cela, le mieux pour moi à faire maintenant.

 

Je suis une très belle femme, dedans.

Pas parce que je suis mieux que qui que ce soit d'autre, juste parce que j'ai fait le choix, douloureux, difficile, depuis des années, de me regarder en face sans rien omettre des détails que je vois, et d'arracher une à une les fines pellicules de laid qui s'accrochent à mon coeur, à ma tête, à mon âme.

Depuis l'ouverture de ce blog, c'est ce que je m'échine à transmettre, même quand ça va mal, surtout quand ça va mal, pour embarquer avec moi tous ceux, et surtout toutes celles, qui ont tellement de mal à s'aimer assez.

Voilà longtemps que j'ai plus de mal à partager mon intimité ici.

Sans doute, probablement, depuis que je suis sortie de l'anonymat, mais pas seulement.

 

J'ai travaillé à être une personne empathique et bienveillante.

On ne passe pas des années comme infirmière puéricultrice, à prendre des leçons de mômes qui gardent le sourire tandis qu'un cancer les emporte, et à n'en pas garder une miette pour toute la vie.

Laura, Imen, Sébastien, Clémentine, Clémence, Linda.

Marguerite.

Si vous saviez tout le bon que j'ai pris d'eux avant qu'ils ne s'en aillent, beaucoup trop tôt.

Je suis belle dedans parce que j'enlève les couches de moche comme je le peux.

Parce que j'aime tellement profondément les autres, même quand je me ramasse, même quand ça fait mal.

Et j'y retourne.

Je suis une belle femme, dedans, parce l'amour incommensurable que j'ai pour ma fille contribue à me rendre meilleure, parce que j'ai la chance inouïe qu'elle soit... qu'elle soit ELLE.

J'écris beaucoup sur ce qui est dur parce ma façon d'avancer, c'est d'avancer ensemble.

Selon qui l'on est, on peut considérer que c'est de l'égoïsme car cela me fait du bien de soutenir ceux qui en ont besoin, je me sens utile, je me sens meilleure, cela me donne une meilleure image de moi.

Je me suis battue, si vous saviez, pour en arriver là.

Si vous saviez combien de routes sinueuses j'ai traversé pour être celle que je suis aujourd'hui.

Et même si c'est une minorité, même si c'est virtuel, même si "on s'en fout", même si c'est pour de rire, même si j'ai mal compris.

Même si c'était "pas méchant".

Je ne peux pas me laisser passer pour une que je ne suis pas.

J'ai enlevé trop de couches de moche de moi pour faire encore cela.

J'ai la grande responsabilité d'avoir une vie de femme épanouie, libre, exemplaire, généreuse et heureuse tant seule qu'avec les autres, pour que ma fille ne s'égare pas sur des routes où je me suis trop longtemps perdue, celles sans doute qui m'ont menée à l'échec de mon couple aujourd'hui, et au terrible déchirement de renoncer à la famille que j'ai construite.

 

Je n'écrirai plus ici.

Est-ce temporaire ?

Définitif ?

Est-ce que je supprimerai mon blog ?

Est-ce que je fermerai les commentaires ?

Est-ce que je laisserai tout en ligne sans plus y venir ?

Est-ce que j'en ouvrirai un autre ?

A mon nom ?

Anonyme ?

 

Je n'en sais rien.

Cette pensée me trotte dans la tête depuis longtemps.

J'ai toujours pensé que je continuerai à écrire ici tant que ça me ferait du bien.

Ce n'est plus le cas.

 

J'ai une certaine sensibilité.

Trop, disent certains.

Mais certains en disent toujours trop...

C'est cette sensibilité que je garde précieusement intacte qui fait que je suis qui je suis.

Quand on porte une sensibilité comme la mienne, on doit la protéger, c'est un peu comme se balader avec son coeur autour du cou.

Avant, je ne savais pas faire cela.


Me protéger.

Et puis j'ai appris à ne plus laisser pleuvoir sur moi ce qui était insupportable et me tuait à petit feu.

Je l'ai appris il y a peu.

 

Je serai toujours là, parfois sur les réseaux, et toujours au bout de mon mail, pour vous qui m'avez soutenue, portée, aimée, lue.

Depuis la première heure ou depuis peu, par bribes ou à chaque article.

Pardon de vous abandonner là, maintenant, alors que je voulais tellement, tellement vous montrer la route à prendre pour transformer le moche en or, on aurait été pétés de fric, et on serait partis tous ensemble en vacances super loin, super longtemps.

Je ne dois pas encore être une alchimiste experte, car pour transformer en or ce que j'ai aujourd'hui entre les mains, j'ai besoin de nager sur le dos, les oreilles dans l'eau, à l'abri du tumulte du monde et du moche qu'on veut me forcer à voir.

Seule.

Les yeux fermés.

Sans lutter contre des inconnus qui jettent leur moche sur mon beau.

Sans endosser le rôle de l'éplorée que je devrais prendre pour rassurer une société définitivement bien inquiète qu'il faille désormais faire avec le bonheur des dames.

Je ne suis pas comme cela.

J'ai une telle force, même en plein drame, même au coeur de la tempête, et cela semble déranger tellement.

Mieux vaut donc que je la garde pour moi, pour tenir la tête haute, pour être l'épaule infaillible de ma fille, pour rester mère auprès du père de ma fille sans qu'il ne soit plus mon homme, et passer de nombreux moments tous les 3 dans une autre forme d'amour.

Car si nous avons échoué à être un couple, nous sommes médaillés d'or en rupture, et je suis sûre que maintenant plus que jamais, on jurerait voir une famille comblée quand nous sommes tous les trois.

Comme quoi, les apparences sont de sacrées bitchs auxquelles on ne peut définitivement jamais se fier...

 

Je vous souhaite une très belle route, à toutes et à tous, sans exception.

Je vous remercie de ces 3 ans à mes côtés, et de toute la magie que vous avez mise dans ma vie.

Elle est inoubliable et éternelle, et même les coups de griffe de ces derniers temps ne terniront pas le souvenir béni que j'en ai.

 

A toutes celles, tous ceux, qui ont traversé, traversent ou traverseront la perte de leur Amour, encore plus s'ils ont fait un enfant, des enfants avec, je vous dis ma conviction, même aujourd'hui du fond de la piscine, sans mon petit pull bleu marine, que c'est forcément mieux après, autrement.

Car on ne quitte pas son Amour sans raison.
Car je n'ai pas quitté mon Amour sans raison.

 

Belle route à tous, protégez-vous, aimez follement, trompez-vous, recommencez, pleurez, crevez de peur, avancez, reculez, plongez à corps perdu, construisez, rompez, tombez, recommencez encore, restez.

Vivez.

Merci, tellement, pour tout.

 

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