On a toujours le choix.

Celui de rester sur un paquebot à la dérive, en priant pour qu'on arrive à colmater les brèches de la coque le plus longtemps possible, ou de plonger dans l'eau froide en espérant trouver un radeau avant d'avoir tellement de crampes qu'on se laisserait couler d'épuisement.

C'est là, dans cette mer glaciale, qu'advient du beau, qu'on se dépasse, qu'on se surpasse, qu'on se retrouve.

C'est là qu'on y voit clair.

C'est aussi là qu'on doute, qu'on a peur, qu'on se sent seul, qu'on a parfois envie d'arrêter de respirer et de laisser l'eau nous submerger.

C'est le moment où, accroché à un branchage qui passait par là, on contemple les lumières de tous ces bateaux qui nous ignorent, proue au vent, rires qui tintent.

C'est là. Qu'on se demande si l'on a bien fait de se jeter à l'eau. Au coeur de la tempête.

Alors qu'au fond, on le sait.

On sait qu'on ne se laissera pas couler, car ceux qui sautent du pont d'un paquebot en perdition ont cette force incroyable, cette certitude qu'ils apprendront à nager en route.

Cette force d'avoir l'intime conviction, au coeur de la tempête, sur un radeau de fortune, seul dans la nuit noire, qu'une île existe quelque part, douce, sauvage et vaste.

Et le courage d'aller la chercher quand elle n'apparaît sur aucune des cartes de "tous ceux qui savent".

 

J'ai quitté un certain confort.

Un statut social.

Une vie bien réglée.

J'ai renoncé à beaucoup.

Et gagné mille fois plus.

J'ai pris le risque fou d'être heureuse.

 

J'écris peu, car je suis au coeur de la tempête, concentrée sur qui je suis, ce que je veux, ce que je vois.

Sur ce que je croyais important, avant.

Sur les histoires que je me racontais pour m'endormir.

Et je n'éprouve que peu le besoin de partager cela, tant cela m'appartient, tant ce tête à tête avec moi-même est plus intime que tous les autres.

Je suis à l'écoute de moi, et incroyablement heureuse de me (re)trouver.

Je suis au coeur de la tempête, je rame à la force de mes mains.

Dépouillée de tout le superflu, face à moi.

Sereine, forte, et plus pure.

Je lâche du lest chaque jour qui passe.

Je lâche enfin.

Je me débarasse de tout ce qui était si lourd à porter.

Je comprends, je comprends tellement mieux, tellement de choses.

J'ai une chance inouïe, d'avoir sauté de ce paquebot avant de couler avec lui.

Car désormais, je nage mieux que personne.

Même quand je suis seule, même quand il fait nuit, même au coeur de la tempête.

Je n'ai plus peur.

Et quoi de mieux qu'une nageuse entraînée pour apprendre à sa fille à nager même dans les eaux les plus tumultueuses ?

A nager au coeur de la tempête, et à aimer cela profondément.

 

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