C'est même comme ça qu'on le raccommode.

Je suis un peu gauche.
Je suis mal à droite.
J'ai souvent mal à gauche.
"Ma mère est morte hier" s'est transformé en "Ma mère est décédée la semaine dernière" puis en "Ma mère nous a quittés il y a deux semaines".
Deux semaines tout pile, aujourd'hui.
J'avais pris 10 ans et du noir dedans, j'ai pris le temps d'épousseter dans les coins pour découvrir la nouvelle densité qu'elle m'a léguée en partant.
Pour rallumer la lumière à tous les étages, les miens et ceux des autres.
Je prends le temps de vivre mon deuil intensément, et de vivre la vraie vie en même temps.
Par moments je croise quelques-unes de ces douces âmes qui me racontent l'intensité de leur vie et m'extirpent de là pour quelques instants salvateurs où je retrouve le sourire.
À d'autres on se raconte comment c'est d'avoir perdu un de nos parents maintenant que je fais partie de ce clan là aussi.
Et c'est l'occasion de parler de tellement de beauté de profondeur dans le chagrin.
Deux semaines après son départ j'ai compris que la douleur ne m'empêcherait ni d'avancer, ni d'être heureuse, qu'elle serait juste là pour toujours dans un tiroir pas bien fermé dans un meuble en pente, un tiroir un peu trop bien huilé qui s'ouvre même quand on ne lui a rien demandé.
Deux semaines après qu'elle soit partie, l'absence est déchirante et je sais que ce n'est pas fini, mais avoir le coeur déchiré n'empêche pas de mettre un pied devant l'autre, c'est même comme ça qu'on le raccommode.
Je vais bien et quand ça ne va pas, je pleure dans les bras de ceux qui partagent ma douleur au quotidien ou dans ceux de la pharmacienne.
Je lui parle.
À ma mère.
Enfin à la pharmacienne aussi, tant qu'à faire de bousiller sa blouse avec mon mascara pas waterproof.
Parce que deux semaines après son départ, je veux qu'elle voit que la vie continue et que sa lumière ne s'est pas perdue en chemin.
Que je la continue.
Que nous la continuons.
(Ma mère. Pas la pharmacienne. Suivez un peu bordel !)

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